Oh la belle bleue !
Par un après-midi grisonnant, je me promenais dans les montagnes du Pays Basque, en forêt d’Iraty, où paissent les brebis à l’origine d’un délicieux fromage. Un morceau de tomme dans une main, un morceau de pain dans l’autre je déambulais en désespérant de voir un peu de vie s’agiter. Lorsqu’un flash bleu accrocha le coin de mon œil pour aller se poser sur une bille de hêtre abandonnée par les forestiers au bord de la piste, je sus que j’allais pouvoir mettre à profit le rayon de soleil pour effectuer quelques clichés.
Je m’approchai, impatient, posai précautionneusement mes victuailles et déballai mon matériel. Les prémices de l’orage et le soleil rasant semblaient exciter considérablement la charmante créature et après quelques secondes, elle s’envola…
Profitons de cet instantané pour préciser un petit peu la position systématique de la bête: de son statut de bestiole à celui de Rosalia alpina.
Avec ses pattes articulées, son squelette externe et son allure générale, l’appartenance aux arthropodes semble assez claire : on pourrait parler de bestiole.
Une observation plus poussée nous apprend que cette bestiole possède trois paires de pattes (donc 6, si je ne m’abuse) et une paire de chouettes antennes. On peut donc l’inclure dans les Insectes (hexapodes pour les intimes): rien d’autre qu’une forme de cafard au demeurant.
Certes, mais ce cafard nous dévoile des ailes avant (ou encore antérieures) bleues et noires, opaques et rigidifiées qui protègent des ailes arrière (qualifiées de postérieures) fines et translucides. Les élytres, autre nom pour les ailes antérieures modifiées, forment donc un étui (koleos en grec) protecteur pour les ailes qui permettent le vol. Cette configuration des ailes (pteros, toujours en grec) place sans grand doute notre rencontre de ce jour dans l’ordre des coléoptères, dont l’étymologie vous saute maintenant aux yeux: un joli scarabée, rien de plus.
Ce charmant scarabée arbore fièrement, mâle comme femelle, de longues antennes poilues, ce qui lui vaut le sobriquet de longicorne (ou long-horned beetle en anglais). Cela correspond à la famille des Cerambycidae.
Parmi ces capricornes, en France, seule Rosalia alpina présente une telle couleur et une telle taille. Le nom vernaculaire de Rosalie des Alpes, quelque peu bovin il faut bien le reconnaître, lui est attribué par beaucoup.
Une fois cette parenthèse taxinomique refermée, revenons à notre tas de bois. Une fois passée la déception de la fuite de mon premier sujet, je me décidai à me mettre en quête d’une autre vedette. Quelques mètres plus loin, un second individu posait comme un mannequin, se laissant admirer sous toutes les coutures.
Les nuages s’amoncelaient alors dangereusement, les rayons de soleil se faisaient rares, et c’est ce moment que choisirent d’autres individus pour sortir de leur cachette et s’activer.
C’est le bouquet final : des merveilles qui s’activent fiévreusement sur les troncs couchés, une danse de pattes, d’antennes et poils plutôt remarquable pour des petites bestioles. Malheureusement, l’orage lui aussi commençait à s’activer fiévreusement ! Un joli moment interrompu par une pluie de passage qui me fit récupérer mes provisions et prendre le chemin du retour.