Galles
Sous une feuille de chêne ou au bout d’un rameau de châtaignier, d’étranges excroissances s’accrochent sur certains arbres au bord des chemins. Parfois bourgeons boursouflés et rougis, parfois cônes élancés semblant à peine accrochés à leur feuille, ces petites maisons prennent autant de formes et de couleurs que leurs habitants sont divers. Car ces excroissances sont bien des abris, souvent d’insectes, parfois d’acariens ou de nématodes, voire de bactéries ou de champignons : les galles ou cécidies.
Si des insectes sont responsables de la majorité des galles que l’on peut voir, ce sont généralement leurs larves qui s’y cachent et s’y développent. Mais on ne peut tout de même pas dire que ces maisons végétales soient uniquement l’œuvre d’une mère attentionnée et dévouée : si c’est bien la mère qui induit la formation de la galle, c’est la plante qui la construit ! Pour offrir ces abris à leurs petits, les femelles des insectes gallicoles ou cécidogènes sont en effet passées maîtres dans le détournement du métabolisme végétal.
La croissance des plantes et la différenciation de leurs cellules (en cellules de feuille, de tige, etc) sont régulées par plusieurs hormones végétales, parmi lesquelles l’auxine tient une place primordiale. C’est l’auxine notamment qui déclenche la multiplication cellulaire nécessaire à la croissance. Lorsqu’elle pique la plante où elle pondra ses œufs, la femelle gallicole détraque cette belle mécanique : les cellules végétales se multiplient et se différencient de manière anormale, et offrent ainsi aux larves les galles qui les abriteront et qui sont finalement des tumeurs végétales induites par la piqûre. Les réactions de la plante varient selon les espèces gallicoles qui les piquent : à chaque espèce sa maison !
Toutes les galles n’abritent pas des larves et toutes ne sont pas fermées. Sur les feuilles de noisetier ou de vigne, on peut notamment trouver des galles ouvertes dont l’intérieur est tapissé de poils très fins : les érinoses, qui cachent des acariens ériophyides invisibles à l’œil nu.
Lorsque l’on trouve une galle totalement fermée, l’occupant y est probablement encore. Mais pour savoir qui s’y cache, nul besoin de les ouvrir : la forme de la galle et la plante où elles se trouvent sont souvent caractéristiques de l’espèce qui est à son origine. Ce qui est bien pratique, puisque certaines galles s’avèrent particulièrement solides (essayez à l’occasion d’ouvrir une galle de Mikiola fagi sur un hêtre à l’automne…). S’il y a un petit trou, il n’y a sûrement plus personne : la larve a grandi et quitté le nid !
Pourtant, si la galle est bien caractéristique de l’espèce qui l’a induite, cela ne suffit pas toujours à savoir ce qui va en sortir : comme souvent chez les insectes, d’autres s’invitent dans l’histoire ! Incapables de générer leur propre galle, certaines espèces s’accaparent en effet celles des autres lors de leur formation et en chassent parfois l’habitant initial (voire le mangent, pour les moins civilisées d’entre elles).
Parmi les galles fréquemment croisées, vous avez sans doute déjà vu des bédéguars, boules marron et poilues sur une tige d’églantier, qui abritent des larves d’hyménoptères (la famille des guêpes, abeilles et fourmis).
Même si elles sont plus visibles sur les feuilles ou les branches, les galles peuvent se trouver sur tous les organes des plantes : fleurs, fruits, tiges ou racines, nul n’est à l’abri, même sous terre ! Les maraîchers sont ainsi bien placés pour connaître les problèmes que peuvent causer les nématodes à galles, qui s’attaquent aux racines de certaines plantes comme le melon ou la tomate.
Car cette association entre l’espèce « architecte » et la plante qui lui construira, bien malgré elle, son abri, est bien un parasitisme : seule l’espèce gallicole tire un profit de la galle, qui n’est au mieux pour la plante que perte d’énergie. Un grand nombre de galles sur une même plante peut lui demander un effort considérable…
Ouvertes ou fermées, rouges ou vertes, les galles semblent tout de même des abris bien pratiques, qui peuvent même parfois offrir à leurs occupants des réserves de nourriture. Mais l’histoire de la petite larve bien au chaud dans sa maison végétale ne finit pas toujours bien : elle n’y est pas à l’abri de la venue d’un parasitoïde, et peut alors devenir elle-même le garde-manger fourni avec l’abri…
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