Un coup dans l’aile !

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Un cochevis huppé prenant son envol.

Qui n’a jamais rêvé de voler ? Regarder un oiseau jouer avec les courants d’airs et se poser adroitement sur une branche est un spectacle fascinant. Se maintenir en l’air lui paraît tellement facile qu’on en oublierait presque l’exploit que cela représente ! La capacité de voler est apparue de multiples fois au cours de l’évolution des animaux (insectes, ptérosaures, chauves-souris, oiseaux,…) et malgré cela il a fallu attendre le 19ème siècle pour enfin concevoir une machine capable de se mouvoir dans les airs. Pourtant le mythe d’Icare témoigne que ce rêve ne date pas d’hier… Il faut se rendre à l’évidence voler ne doit pas être aussi simple ! Aujourd’hui, le Saule vous propose quelques éléments pour mieux comprendre comment cet exploit est possible.

Bien entendu il s’agit d’un problème complexe et nous ne ferons que survoler la question…

Pour comprendre comment les oiseaux volent, le plus simple est de s’intéresser d’abord aux avions et plus particulièrement à leurs ailes. Lorsqu’un avion avance, l’air s’écoule autour de ses ailes dans la direction inverse de son déplacement, vers l’arrière. C’est exactement la même chose que lorsque vous roulez rapidement en vélo ! Vous sentez un vent apparent qui fouette votre visage d’autant plus fort que votre vitesse est grande. Comme l’aile d’un avion est légèrement inclinée et cambrée (notez pour la suite que l’inclinaison est très importante), le flux d’air s’écoulant sur le dessus de l’aile n’a pas les mêmes propriétés que le flux d’air passant au dessous*. En particulier l’air au-dessus de l’aile va plus vite. Or plus un fluide va vite plus sa pression diminue (c’est le théorème de Bernoulli). La pression au-dessus de l’aile est donc plus faible que la pression en dessous de l’aile. Sans rentrer dans les détails, cette différence de pression engendre deux forces: une première vers le haut, qu’on appelle la portance. Pour vous en convaincre, prenez une feuille de papier, placez la contre votre lèvre inférieure et soufflez juste au dessus: vous verrez la feuille s’élever en position horizontale! La seconde force créée est une force vers l’arrière que l’on appelle traînée. Lorsqu’un un avion est en vol, la force de portance le maintient donc en l’air tandis que la traînée le ralentit. Les moteurs de l’avion doivent donc fournir une force de poussée suffisante pour compenser la force de traînée et ainsi garder une vitesse et une altitude constantes.

figure 1 article vol

Schéma d’une aile vue en coupe. Les flèches en pointillées représentent l’écoulement de l’air. Les flèches noires représentent les forces méchaniques produites, plus les flèches sont longues plus les forces sont importantes. L’aile est légèrement inclinée par rapport au flux d’air sans quoi aucune force n’est produite

Le problème avec les oiseaux, est qu’ils ne possèdent pas de moteur pour les propulser et créer un flux autour de leurs ailes. Pour créer une force de portance tout en se propulsant les oiseaux doivent donc battre des ailes. Voyons comment cela fonctionne. Pour simplifier la question considérons que l’oiseau a déjà décollé. Lorsqu’il rabat ses ailes, celles-ci se déplacent à la fois vers l’avant (comme tout le reste du corps) et vers le bas puisqu’il les abaisse. Or la force de portance créée par le flux autour de l’aile est toujours perpendiculaire au déplacement de l’aile. Donc lorsque l’oiseau rabat son aile la force de portance sera orientée vers le haut et légèrement vers l’avant. Cette force va donc maintenir l’oiseau en vol tout en le propulsant.

figure 2 article vol

Lorsqu’il rabat ses ailes l’oiseau les maintient bien à l’horizontale. Le mouvement des ailes vers le bas provoque un écoulement légèrement oblique, ainsi l’angle entre le flux d’air et l’aile n’est pas nul et la force de portance est orientée légèrement vers l’avant.

Que se passe-t-il ensuite lorsque l’oiseau relève ses ailes ? Logiquement il devrait se passer exactement l’inverse. La force de portance devrait être orientée légèrement vers l’arrière et le freiner. Autant dire que ce n’est pas l’idéal pour avancer… Pour éviter cela l’oiseau tout en relevant ses ailes va les incliner vers l’arrière pour que l’angle entre le flux d’air et l’aile soit nul. Dans cette configuration, la surface des ailes est parallèle au flux d’air et presque aucune force de portance n’est produite. De cette manière l’oiseau ne gâche pas d’énergie !

figure 3 article vol

Lorsqu’il relève ses ailes l’oiseau les bascule vers l’arrière de manière à ce qu’elle soit parallèle à l’écoulement de l’air. Dans ces conditions la portance produite est très faible et il ne se ralentit pas.

Pour résumer, le secret des oiseaux pour voler est leurs ailes à inclinaison variable. Lorsqu’ils abaissent leurs ailes elles ont une inclinaison faible et produisent ainsi une force qui les maintient en l’air et les propulsent en même temps. Lorsqu’ils les relèvent, ils augmentent leur inclinaison pour qu’elles ne produisent presque aucunes forces et ne les freinent pas. Sur la photo ci-dessous chacune des sternes a ses ailes à un instant différent du mouvement aller-retour. On observe nettement cette inclinaison variable qui est la clé du vol battu.

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Les ailes de ces sternes en vol montrent bien leur configuration à différents moments du mouvement. On peut apprécier l’inclinaison des ailes grâce à la proportion visible du dessus des ailes. On peut remarquer que l’inclinaison varie en fait au sein même de l’aile: comme nous vous le disions, le vol des oiseaux est une affaire complexe… (crédit photo :  Amaury)

Ce mouvement de vol est le plus simple qu’on puisse décrire mais il en existe d’autres plus complexes. Observez par exemple un pigeon à l’atterrissage ! Vous verrez distinctement le mouvement de ses ailes changer quelques mètres avant de se poser (vidéo). Ce vol battu tout à fait particulier et très complexe permet de créer une force de portance à la fois lorsque l’oiseau abaisse et relève ses ailes. Ce mouvement permet au pigeon de se maintenir en l’air même avec une faible vitesse pour ne pas atterrir trop brutalement. De plus pour contrôler en finesse leur allure et leur trajectoire, les oiseaux sont tenus d’ajuster la configuration de leurs plumes aux niveaux des ailes et de la queue avec une très grande précision (« Un peu de tenue ! » ).

 


* Comme des commentateurs ci-dessous l’ont justement fait remarquer, l’explication traditionnelle de la plus grande distance à parcourir par dessus que par dessous l’aile en un temps identique, pour expliquer la plus grande vitesse au dessus est inexacte, nous l’avons corrigé: il n’y a pas de raison que l’air qui part en dessous et celui qui part au dessus se rejoignent derrière l’aile au même moment; une fois séparés il n’y a plus de cohésion. L’explication à la différence de vitesse sur les deux faces de l’aile n’est pas simple, mais c’est une observation (voir liens dans les commentaires, et celui-ci, plus récent, pour plus de détails)!

 

3 Comments

pol says:

Une petite imprécision : il est tout à fait possible de générer de la portance sans aucune inclinaison si le profil n’est pas symétrique ce qui est le cas le plus courant. D’autre part le concept de distance égale à parcourir en un même temps est inexact même si la conclusion est identique.
C’était juste pour pinailler un peu, l’article est bien écrit 🙂


Julien A says:

Merci pour les rectifications, n’étant pas un expert et de loin en aérodynamique j’apprécie le retour !
Juste deux petites remarques/questions du coup:
-remarque complémentaire : Dans les livres de mécaflux que j’ai ouvert pour cet article ils écrivaient que la portance générée est faible mais non nulle lorsque l’angle d’attaque du flux d’air est nul, comme tu le soulignes ! Comme je ne voulais pas complexifié l’article outre mesure je ne suis pas allé plus loin, mais certains auteurs signalent que en plus de modifier l’inclinaison de leurs ailes lorsqu’ils les remontent, beaucoup d’oiseaux fléchissent également l’extrémité de leurs ailes pour diminuer leur surface « efficace » et rendre ainsi la portance produite vers l’arrière encore plus négligeable.
-question cette fois : tu dis que le concept de distance plus grande à parcourir en un même temps est fausse. Du coup je me demande comment on explique les différences de vitesses et de pressions entre les face supérieurs et inférieurs des ailes ??

Merci encore.

Julien A


Dr. Goulu says:

J’avais pondu un article sur les différentes explications de la portancelà : http://www.drgoulu.com/2012/03/11/portance-pourquoi-ca-vole
Et effectivement, ce n’est pas simple…

Et voler en battant des ailes, c’est l’enfer de l’aérodynamique ! En fait ce n’est que depuis peu qu’on arrive à faire des machines volantes qui ressemblent un petit peu à de vrais oiseaux : https://www.festo.com/group/en/cms/10238.htm

Mais elles sont encore loin d’arriver à se poser sur une branche …


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