Des carnivores pas comme les autres…

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Cet insecte tout juste piégé n’a aucune chance ! (crédit photo : Alex)

Enfant, les plantes carnivores ont longtemps hanté mon imagination débordante. Je les associais à des plantes immenses et dentues capables d’avaler un homme comme le plus féroce des prédateurs ! Je m’imaginais au milieu de la forêt tropicale lutter une machette à la main contre l’un de ces monstres essayant de me saisir avec ses longues racines s’agitant comme d’innombrables tentacules… Figurez-vous donc mon appréhension la première fois que l’on m’emmena visiter la serre des plantes carnivores au Parc de la tête d’or à Lyon. Quelle surprise lorsque je découvris qu’elles n’étaient guère plus dangereuses qu’un ruban de papier collant pour attraper les mouches… Malgré une légère touche de déception bien compréhensible, j’étais néanmoins fasciné par le fait que de « simples plantes » puissent se nourrir d’insectes. J’étais encore plus enthousiaste quand j’appris qu’elles ne se rencontraient pas que dans des pays exotiques ! Certaines d’entre elles poussent en France et je vous propose aujourd’hui de faire leur connaissance.
Notre premier invité est le Rossolis à feuille ronde, aussi appelé par les botanistes Drosera rotundifolia.

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Le rossolis à feuille ronde (Drosera rotundifolia) (crédit photo : Alex)

Cette petite plante carnivore est plutôt discrète, elle ne mesure souvent que quelques centimètres alors pour la voir ouvrez l’œil et le bon ! Si vous parvenez à la trouver vous la reconnaîtrez sans peine avec ses petites feuilles rondes hérissés de long poils rougeâtres au bout desquels perle une goutte. Le nom de rossolis signifie d’ailleurs « rosée du soleil ». En été, elle se pare de petites fleurs blanches perchées au bout d’une longue hampe florale. Vous pouvez la rencontrer un peu partout en France sur substrat plutôt siliceux (non calcaire). Elle affectionne les milieux tourbeux, c’est à dire des zones humides où les conditions sont propices à la conservation de la matière organique. Cette dernière ne se dégradant pas, elle s’y accumule pour former ce qu’on appelle de la tourbe.

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La pièce de 10 centimes donne une idée de la taille du rossolis (Drosera rotundifolia)

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Les feuilles de rossolis (Drosera rotundifolia) portent des poils recouverts de glue qui permettent d’attirer, de piéger et de digérer les proies. (crédit photo : Alex)

Les gouttelettes qui perlent sur ces feuilles servent à la fois à attirer, piéger et digérer de petits arthropodes. Ces proies qui viennent pour se nourrir s’engluent et restent collées au milieu des long poils. Une fois la capture assurée la feuille se recourbe et enferme complètement la victime qui sera lentement digérée par lez enzymes sécrétées par la plante. Malgré ces mœurs carnassières le rossolis entretient aussi des relations plus pacifiques avec d’autres insectes qui viennent visiter ses fleurs pour se nourrir de nectar et par la même occasion assurent leur pollinisation.

Vous pourrez rencontrer en France deux autres espèces de rossolis (Drosera intermedia dans l’Ouest et Dosera longifolia dans l’Est). Elles se distinguent assez bien du Rossolis à feuilles rondes par leurs feuilles plus allongées.

Le deuxième groupe de plantes carnivores que vous pourrez rencontrer en France est le genre des grassettes, Pinguicula en latin.

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Les grassettes appartiennent au genre Pinguicula, ici Pinguicula vulgaris.

Les grassettes possèdent des feuilles charnues en forme de langues vertes, parfois rougeâtres, aux bords repliés vers le haut, et sont réunies à la base de la plante en une rosette appliquée contre le sol. Les fleurs violettes, roses ou blanches sont portées par de longs pédoncules. On les rencontre un peu partout en France dans des zones humides telles que des tourbières, des marais, des pelouses humides ou encore des suintements sur des rochers. Une dizaine d’espèces sont visibles en France. Même si certaines d’entre elles se rencontrent en plaine la plupart sont plutôt montagnardes.

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Fleur de Pinguicula (crédit photo : Amaury)

Les feuilles des grassettes sont collantes pour piéger les insectes qui viennent s’y poser. Elles sécrètent des enzymes et des acides qui vont digérer la proie à même la feuille. Cette faculté de digestion des grassettes a d’ailleurs été détournée par certaines populations humaines. Ces feuilles servent en Laponie à faire cailler le lait et fabriquer ainsi du yaourt. Les enzymes utilisées normalement par la plante pour dégrader les protéines de ses prises digèrent les protéines du lait et les font coaguler.

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Feuilles de Pinguicula alpina, la grassette des alpes.

Le dernier groupe de plantes carnivores autochtones en France que vous serez susceptibles de rencontrer est celui des utriculaires, Utricularia en latin.

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Une fleur d’Utriculaire, Utricularia australis (probablement). (Crédit photo : Julie)

Bien que plutôt communes elles se font rarement remarquer. En effet ce sont des plantes aquatiques qui vivent immergées. On les rencontre dans des lacs, des étangs ou même de simples petites mares. Seules leurs fleurs émergent en été pour être pollinisées par des insectes. Les utriculaires capturent de minuscules crustacés aquatiques qu’elles piègent grâce à leurs utricules. Les utricules sont de petites outres dans lesquelles la plante fait le vide. Elles ne contiennent ni gaz ni liquide seulement du vide. Les utricules possèdent également des cils. Lorsqu’une proie potentielle touche l’un de ces cils elle provoque l’ouverture de l’outre. La nature ayant horreur du vide l’outre se remplit d’eau et aspire ainsi la proie qui se retrouve piégée.

On compte sept espèces d’utriculaires en France.

Maintenant que nous avons fait connaissance avec différentes plantes carnivores vous avez peut être remarqué que toutes vivent dans des milieux humides. Pour être exact, toutes vivent dans des milieux pauvres en nutriments car la matière organique s’y dégrade mal voir pas du tout. Les plantes, et les plantes carnivores ne font pas exception, se nourrissent essentiellement de lumière et de dioxyde de carbone. Cependant, elles ont besoin de nutriments qu’elles puisent dans le sol via leur racines, notamment des nitrates et des phosphates qui contiennent de l’azote et du phosphore. Les plantes carnivores vivent dans des milieux où ces substances manquent. Elles doivent donc se les procurer autrement et par autrement je veux dire «en chassant». Les plantes carnivores complètent leur alimentation en capturant de petits animaux dont les protéines sont riches en azote et phosphore.  Vous aurez remarqué aussi que chez les plantes et là encore les plantes carnivores font doublement exemple, les feuilles font office de bouches. Elles sont le siège de la photosynthèse et en plus chez les plantes carnivores elles capturent et digèrent des proies. Contrairement à ce que je pensais lorsque j’étais petit et à ce que l’on voit souvent dans les bandes dessinées, les plantes carnivores ne mangent pas avec leurs fleurs.

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