Entomobotanique
De nombreuses espèces d’insectes se développent aux dépens de plantes bien précises, on parle alors d’insectes spécialistes (ou à l’opposé d’insectes généralistes). Selon les cas il peut s’agir soit d’une espèce végétale bien particulière (spécialisation extrême) soit d’un genre contenant plusieurs espèces. Dans ce dernier cas la connaissance de l’interaction entre la plante et l’insecte peut permettre d’identifier une nouvelle espèce. Par exemple pour un petit coléoptère Chrysomelidae vivant sur les asperges: le criocère visible sur la photo suivante.
Ce premier individu est un Crioceris asparagi, ici présent sur un plant d’asperge cultivée, Asparagus officinalis en latin. En effet, une fois sortie de terre, et si on ne la mange pas directement, l’asperge donne une plante de 2 mètres de haut où écloront de petites fleurs blanches suivies de fruits rouges, en forme de boules.
Une seconde espèce de criocère se trouve dans les mêmes conditions: le criocère à douze points, Crioceris duodecimpunctata.
Il peut se rencontrer sur des asperges cultivées, en région parisienne par exemple. Toutefois le découvrir dans le sud de la France sur une plante complètement différente peut perturber. Ainsi sur les photos suivantes on remarque que les feuilles sont bien différentes des précédentes.
Deux choix s’offrent alors, soit la bestiole s’est égarée, soit elle est capable de manger des plantes différentes.
J’ai alors cru que mon individu était perdu, loin de son asperge. La rencontre de nouveaux individus dont des couples en plein ébat m’a convaincu qu’ils étaient bien chez eux.
Il m’a alors fallu plusieurs jours pour comprendre que je venais de rencontrer pour la première fois une asperge sauvage.
Voila la plante entière, rencontrée fréquemment dans le sud de la France.
Il s’agit de l’espèce Asparagus acutifolius, qui est comme sa cousine comestible, bien que ses pousses soient plus petites.
La forme des feuilles et leur aspect vernissé et dur est une adaptation au milieu sec, méditerranéen, dans lequel la plante se développe. Cela permet de réduire la surface d’échanges avec l’atmosphère et ainsi de limiter les pertes d’eau.
Ses fleurs délicates donneront ensuite naissance à de petites baies rondes.
Si les deux premières espèces de criocère que nous avons vues sont répandues sur toute la France, d’autres sont limitées au pourtour méditerranéen, par exemple Crioceris paracenthesis, que l’on peut observer sur le cliché suivant. On peut remarquer une certaine homogénéité dans la forme de ces espèces de Coléoptères, liée à leur appartenance au même genre.
D’un point de vue naturaliste, la connaissance de la plante permet donc parfois de trouver un insecte, tandis que l’identification de l’hôte à six pattes peut permettre de nommer le végétal!
D’un point de vue scientifique, la connaissance de ces partenariats spécialisés est importante pour essayer d’anticiper les divers impacts sur les écosystèmes. Quand on les connait bien on peut établir des réseaux d’interactions, comme des réseaux alimentaires (on ne parle plus trop de chaines alimentaires, car c’est trop simplifier la réalité). Avec ces réseaux les chercheurs en écologie peuvent ensuite utiliser la théorie des réseaux pour étudier comment les écosystèmes évoluent, comment ils résistent aux perturbations, ou encore quelles conséquences on peut prévoir si une espèce donnée disparait ou à l’inverse prolifère.Ce type d’interactions est donc bien au cœur de ce qu’est l’écologie!
No Comments Yet