Écologie fromagère (2ème partie)
Dans un article précédent le Saule vous avait emmenés à la découverte d’écosystèmes particuliers, les fromages. Nous nous étions plus spécialement intéressés au substrat de ce micro-environnement, la pâte. A travers une dégustation nous avions étudié l’influence des paramètres physiques tels que la teneur en eau ou encore en oxygène sur l’évolution de l’écosystème fromager. Aujourd’hui, je vous propose de poursuivre cette expérience gustative mais en nous intéressant cette fois à la partie vivante de ces écosystèmes, aux communautés de micro-organismes responsables de l’affinage du fromage. A vos papilles, prêts, partez !
Commençons par le cas le plus simple, celui des fromages dits à croûte naturelle, comme c’est le cas pour certains Saint-Nectaire. Une fois la pâte préparée elle est placée dans une cave où elle ne subira plus aucune intervention si ce n’est des retournements réguliers. La pâte fraîchement salée et séchée constitue un substrat et une source de nourriture de choix pour les microbes capables de s’y développer. Les premiers arrivés sont des bactéries qui vont colorer la croûte en jaune. Elles s’installent souvent dès l’opération de séchage de la pâte avant même la mise en cave (photo). Leurs petites tailles leur permet de voyager en suspension dans l’air et de se développer dès qu’elles rencontrent un milieu favorable.
Les champignons mettent plus de temps à arriver. Incapables de voyager ils confient cette mission à leur descendance sous forme de spores. Les premiers champignons à se développer sur le fromage sont du genre Penicillium (le genre auquel appartient le champignon qui produit l’antibiotique appelé pénicilline). Ils couvrent la pâte de leurs filaments blancs et bleus.
Après les champignons du genre Penicillium arrivent ceux du genre Mucor qui couvrent le fromage d’une véritable forêt de filaments (première photo de l’article). Tous ces champignons peuvent être suivis d’une microfaune tel que des acariens ou des nématodes (vers microscopiques). De plus il faut garder à l’esprit que ces organismes visibles ne constituent que la partie émergée de l’iceberg. Un examen plus poussé révélerait une communauté encore plus riche.
Comme n’importe quel écosystème un fromage peut donc être le siège d’une véritable succession écologique (lien). Pour autant cela ne se passe pas toujours ainsi. Dans de nombreux cas le fromager intervient afin de favoriser certains micro-organismes et bien souvent il introduit des microbes soigneusement choisis et cultivés.
Les fromages à patte molle et fleurie avec une belle croûte blanche et duveteuse comme les bries ou le camembert sont ensemencés avec des champignons choisis comme Penicillium candidum (le pénicillium blanc) ou encore Peninicillium camemberti (le pénicillium du camembert).
Au contraire les fromages de type gruyère comme l’Abondance, le Comté, ou le Beaufort sont régulièrement frottés avec de la morge, une suspension contenant de l’eau, des bactéries et du sel. Cette opération permet d’introduire des bactéries choisies et empêche l’installation de champignons en brisant les filaments d’éventuels intrus. Cette action de brossage n’est pas sans rappeler l’effet du pâturage par des grands herbivores sur une prairie qui empêche l’installation de ligneux.
D’autres fromages comme le Munster ou le Maroilles sont régulièrement lavés à l’eau salée et frottés pour empêcher l’installation de champignons de type moisissure et favoriser l’installation de levures (champignons unicellulaires) et de bactéries spécifiques du type Brevibacterium qui donnent à la croûte de ces fromages leur couleur orangée, leur aspect lisse et brillant, leur toucher collant et leur très forte odeur de pied et d’ammoniaque.
Un dernier exemple parmi la multitude de fromage que nous pourrions évoquer est la Mimolette qui est ensemencée avec des acariens appelés cirons qui vont percer la croûte d’une multitude de trous et ainsi l’aérer.
Tous ces organismes qui peuplent les écosystèmes fromagers participent au processus d’affinage. En se nourrissant ils brisent les molécules de la pâte, ils en modifient la texture, libèrent des composés aromatiques et en sécrètent de nouveaux. Toute cette activité biologique produit aussi de nombreuses vitamines qui permettent aux croûtes de fromage de rivaliser avec les légumes les plus frais ! Bien entendu vous l’aurez compris, le goût et la texture d’un fromage vont dépendre des organismes qui s’y développent. Ainsi la diversité biologique des fromages est directement liée à leur diversité gustative !
Cet article a été écrit à partir d’une idée originale de Marc-André Sélosse.
Cet article et le précédent sont épatatants! et les photos superbes
Je prendrai encore plus de plaisir à ma prochaine dégustation de fromages.
Continuez à écrire : il me tarde de lire vos prochains articles.
Merci beaucoup !
humm du coup, il serait intéressant lorsqu’on est malade de consommer les croûtes blanches des fromages type brie et camembert mais pas quotidiennement sous peine d’habituer le corps aux antibiotiques?
-en cas de maladie, faites une cure de brie-